Il n’a pu s’empêcher de faire une blague avant chaque réponse. François Hollande a commencé par se dire impressionné devant deux cents jeunes franco-allemands de cet «amphithéâtre improvisé» installé dans la Chancellerie de Berlin qui n’aurait pu, faute de place, s’organiser à l’Elysée. Puis, lorsqu’il lance à Angela Merkel debout à sa gauche qu’il «retien[dra]» ses «compliments pour les réunions ultérieures», François Hollande déclenche une salve de rires dans l’assistance.

Mais quand arrive une question d’un soldat de la brigade franco-allemande à propos des divergences militaires entre les deux pays, François Hollande redevient sérieux et répond sur la crise au Mali. «La France n’a pas d’intérêts différents de l’Allemagne par rapport à l’Afrique ou la lutte contre le terrorisme», répond-t-il. Si l’armée française est sur le terrain, c’est, tout simplement, dit-il, qu’elle «était plus près».Juste avant, Angela Merkel avait justifié indirectement pourquoi la Bundeswehr n’est pas au Sahel. «Nous ne pouvons pas nous engager immédiatement à 100%, rappelle-t-elle. Pour de bonnes raisons liées à l’histoire.» Outre-Rhin, souligne la chancelière, «ça prend un peu plus de temps», «on a besoin d’un mandat [du Parlement] avant d’agir». Merkel, rappelle que l’Allemagne est toujours en Afghanistan et émet alors le souhait que l’armée allemande puisse s’engager «plus vite». «Il faut qu’on puisse compter sur l’Allemagne, qu’elle puisse intervenir c’est un sujet de la prochaine législature», avance-t-elle. Soit après les élections législatives de fin septembre.

FAIRE OUBLIER LES TENSIONS

Dans cette exercice de questions-réponses d’une heure et demie, Hollande et Merkel ont bien pris soin de ne laisser échapper aucune de leurs divergences. Tenter aussi de faire oublier les tensions récurrentes entre les deux pays dans les négociations européennes. Avant les célébrations du 50e anniversaire du traité de l’Elysée, mardi, à Berlin, le chef de l’Etat français et la chancelière ont répondu sur tous les thèmes aux questions, souvent gentilles, mais parfois bien senties.
Comme lorsque la jeune Klervi Dalibot, 24 ans et au chômage après enchaînement de stages et de CDD dans les médias lâche, en fin de question un «s’il-vous-plaît, aidez-nous». Comme pris à froid, Merkel se contente de dire que «ce n’est pas simple dans ce secteur» et qu'«il faut qu’on s’attelle à cette réalité» du chômage des jeunes en Europe. De son côté, Hollande improvise une solution, proposant que le «fonds alimenté par la taxe sur les transactions financières» permettent aussi aux jeunes de pouvoir circuler en Europe pour des entretiens d’embauche. Il en profite aussi tout de suite pour vendre ses «contrats de génération» et la décision des partenaires sociaux, dans une négociation, «un peu à l’allemande» de «favoriser les contrats à durée longue» en taxant davantage les contrats courts.
Avant lui, c’est un jeune français du Mouvement des jeunes européens, Nordine, qui dérange un peu la pluie de bons sentiments des deux dirigeants. Les élections européennes de 2014, «n’est-ce pas l’occasion d’un saut fédéral?» leur lance-t-il. Hollande préfère rappeler le «rôle plus affirmé des Parlements nationaux» pour défendre la souveraineté des peuples dans les décisions européennes. Oui, mais Norine ne se laisse pas faire: «Donner plus de pouvoirs au Parlement européen, ça donnerait un surplus de légitimité au Parlement européen». Le président français ne dit pas le contraire mais reprend un argument entendu souvent en Allemagne :«Cela suppose qu’une opinion publique européenne soit formée».

NE PAS CONFONDRE LES DEUX PAYS

Puis quand viennent des questions sur les différences entre les systèmes sociaux et fiscaux des deux pays, Hollande concède que la France doit «rattraper» le «retard accumulé» dans les «efforts» à faire en matière de «compétitivité». Le Front de gauche l’accuse de se «schröderiser» - néologisme l’accusant de s’inspirer des réformes libérales de l’ex-chancelier social-démocrate, Gerhard Schröder. Le chef de l’Etat se refuse à «baisser les cotisations sociales» ou «couper les salaires» et défend son crédit d’impôt compétitivité-emploi. «Il n’a jamais été question qu’on confonde nos pays», insiste-t-il. Merkel acquiesce.
Plus la discussion avance, plus les réponses des deux responsables prennent l’allure de justification de leurs propres politiques intérieures: sur l'énergie, les politiques fiscales... En conclusion Merkel promet d’apprendre le Français mais seulement«quand elle aura plus de temps». Et donc qu’elle ne sera plus chancelière. Hollande recycle sa «seule priorité, la jeunesse». Avec ses collègues dirigeants de l’UE, il veut «être jugé» sur «une seule question»: «Qu’est-ce que vous avez fait pour les jeunes européens? Si la réponse est oui, alors nous aurons fait notre devoir». Le chomâge, toujours le chomâge... Même en Europe.